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27 octobre 2014 1 27 /10 /octobre /2014 15:40

Histoire au XX° et XXI° siècle


À partir de 1915 et en pleine Première guerre mondiale, les Yézidis protégèrent les chrétiens arméniens et assyriens qui, poursuivis par les Turcs, se réfugiaient dans le djebel Sindjar. Ils en accueillirent environ 30 000 jusqu’en 1918. En février 1918, ils refusèrent de livrer les persécutés et les défendirent contre les Turcs qui avaient envoyé des contingents dans le Sindjar. Ils menèrent de durs combats, mais inférieurs en effectifs et mal armés ils furent battus près de Balad. Ils se réfugièrent dans les montagnes avec les chrétiens. Délivrés par les Anglais du joug ottoman, ils acceptèrent de reconnaître comme chef Hemo Soro, choisi par leurs libérateurs.

En 1933, les Yézidis du Sindjar optèrent non pas pour la Syrie mais pour l’Irak indépendant. En 1934 se posa le problème du service militaire dont ils étaient dispensés depuis 1849 par décret ottoman. Ils demandèrent à Bagdad non pas l’exemption du service militaire mais la constitution d’une unité spéciale yézidie. Le gouvernement irakien, désireux d’unifier le pays, d’assimiler peuples et communautés en un seul peuple doté d'une seule religion, l’islam sunnite, refusa net. Il y eut une révolte contre le régime de Bagdad à Sindjar et tout le territoire habité par les Yézidis. Cette révolte, menée par Daoude Daoud, cheikh yézidi du Mihirkam, fut partiellement suivie par les autres tribus. Bagdad envoya pour des représailles le général Bakr Sidqi, avec une colonne. La répression fut sanglante dans tout le Sindjar, des villages incendiés, 2 000 prisonniers déportés vers le sud et deux notables chrétiens qui avaient soutenu Daoude Daoud furent pendus à Mossoul. Après plusieurs mois de combat, dans la nuit du 12 au 13 octobre, le chef Daoude Daoud fut défait. Blessé, il s’enfuit en Syrie où il fut interné. En 1936 le gouvernement irakien décréta une amnistie ; les révoltés yézidis purent revenir chez eux. Daoude Daoud rentra en Irak, fut conduit au village de Sanate, dans le nord du pays, et y vécut en reclus.
Sous le régime de Saddam Hussein, les Yézidis souffrirent d’une politique d’arabisation. Souvent unis aux peshmergas, combattants kurdes, ils luttèrent contre les troupes baassistes. Plusieurs villages yézidis furent alors détruits.
Depuis 2003 et la chute de Saddam Hussein, le gouvernement autonome du Kurdistan reconnaît cette communauté. Il valorise la participation des Yézidis à la résistance kurde contre l’oppression du régime de Bagdad. Il voit en eux une ethnie kurde. Le droit des Yézidis de pratiquer leur culte est reconnu par la nouvelle Constitution irakienne et par la Constitution du Kurdistan fédéral. Ils sont représentés au parlement et ont deux ministres.

Malgré leur volonté de rester à l'écart des violents conflits confessionnels et politiques qui ensanglantent une grande partie de l'Irak, les relations avec les communautés sunnites voisines se sont gravement détériorées. Le 14 août 2007, la communauté yézidie a été la cible de quatre attentats suicides faisant plus de 400 morts dans la province de Ninive. Ils faisaient suite à une série d'incidents commençant par la lapidation par les membres de sa communauté, dont des membres de sa famille, le 7 avril 2007, de Du’a Khalil Aswad, une adolescente yézidie qui se serait convertie à l'islam pour épouser un musulman. Cette attaque a été l'une des plus meurtrières qu'ait connu l'Irak depuis le renversement de Saddam Hussein en 2003. C'est également la série d’attentats la plus meurtrière au monde depuis ceux du 11 septembre 2001 aux États-Unis.
Les massacres de Sinjâr : Le 4 août 2014, pendant la guerre d'Irak, la ville de Sinjâr tombe aux mains des djihadistes de l'État islamique (ex-EIIL), à l'issue d'une brève bataille contre les Peshmergas. Des dizaines de milliers de Yézidis fuient alors la ville et les villages environnants pour se réfugier au Kurdistan irakien. Mais lors de l'exode, environ 600 civils sont massacrés et des centaines d'autres sont enlevés entre le 3 et le 15 août.

Géographie de leur peuplement

En Irak, ils sont 600 000, essentiellement dans la région du Kurdistan autonome, qui est leur berceau historique.
En Syrie, la communauté yézidie compte environ 150 000 personnes, essentiellement installés sur la frontière irakienne, au nord-est, en continuité donc avec leur région d’origine.
En Turquie, les Yézidis vivent dans le sud-est du pays, plus particulièrement dans la région d'Urfa-Viransehir. Mais leur nombre a diminué depuis les années 1970, où la communauté comptait 80 000 personnes : 23 000 en 1985, 423 seulement selon le recensement de 2000 et finalement 377 en 2007 (dont Urfa 243, Batman 72, Mardin 51, Diyarbakır 11 personnes).
Dans le Caucase (Arménie, Géorgie) et dans la région de Van, soit environ 180 000.
Ils ont immigré jusqu’en Europe, surtout en Allemagne (50 000 personnes) et en Suède (20 000 personnes). Egalement en Amérique du Nord, aux Etats-Unis et au Canada.
Voir aussi un résumé de l'exposé "Les Yézidis d'Arménie et de Géorgie" fait à l'École des hautes études en sciences sociales, en février 2003, dans le cadre du séminaire de Claire Mouradian : "Le Caucase entre les empires" par Lucine Brutti-Japharova, Docteur en lettres à l'INALCO, (lien)

sources documentaires

yezidis_joachim_menant.jpgL’une des premières références connues sur les Yézidis est le Livre de la Gloire, appelé Chronique des Kurdes, de Sheref ed-Din Khan, écrit en 1597. Cet émir de Bitlis (près du lac de Van, en Turquie) fait mention de sept grandes tribus kurdes, qui auraient été à un moment ou à un autre entièrement ou principalement yézidis.
Missionnaire dominicain, Maurizio Garzoni (v. 1730-1790) arriva à Mossoul en 1762 puis s’installa à Amedi. Il constata que le Kurde était la langue de communication régionale comprise par musulmans et chrétiens, alors que les Nestoriens parlaient le soureth, les Jacobites un dialecte syriaque et les Arméniens l’arménien. Sur la base du dialecte kurmandji parlé à Amedi, il édita, en 1787, la première grammaire kurde : la Grammatica et vucabulario della lingua Kurda. À la fin de sa grammaire est annexé un dictionnaire italo-kurde d’environ 4 600 mots. Il rédigea également une Notice sur les Yésidis.
Dans la deuxième moitié du XIX° siècle, le vice-consul français de Mossoul M. Siouffi démontrait, contre l’opinion des nestoriens locaux, que le Cheikh Adi était musulman, et non l’apôtre chrétien Addaï. À la même époque, le professeur A. H. Layard étudie sérieusement cette communauté, et ouvre la voie aux études ultérieures. Son nom est resté comme celui du premier savant s’étant penché sur l’étude des Yézidis. En Irak, des Yézidis ont publié un recueil de textes issus de la tradition orale des Yézidis, en particulier de leur caste religieuse nommée Qewels. En URSS est cité le livre de deux auteurs yézidis, O. et J. Jelil : publié en 1978 chez Kurdski folklor. Les principaux ouvrages actuels de référence sont ceux de Ph. G. Kreyenbroek (Yezidism : Its Background, Observances and Textual Tradition, The Edwin Mellen Press,‎ 1995) et de J. S. Guest, The Yezidis, Londres, KPI,‎ 1987). Ces derniers auteurs insistent sur le fait que les Yézidis ne constituent pas une communauté compacte, mais des communautés dispersées, chacune méritant une étude particulière.

En illustration : Joachim MenantLes Yézidis, adorateurs du diable, réédition en 2010 à Claude France Éditions (lien). Le titre reprend le contre sens (et le mépris) des musulmans obscurantistes sur cette religion.

Consultés sur Internet et en français


« Yézidisme », article de Wikipedia (lien).
« Qu’est-ce que le Yézidisme », identiques au début de l’article sur Wikipedia (lien).
« Les Yézidis, adorateurs du diable », 2001, article de Jean-Paul Roux, directeur de recherche honoraire au CNRS, ancien professeur titulaire de la section d'art islamique à l'École du Louvre, publié dans « Clio » en 2014 (lien).
« Les Yézidis d'Arménie et de Géorgie » par Lucine Brutti-Japharova, docteur en lettres à l'INALCO, communication à l'École des hautes études en sciences sociales, en février 2003, (lien) dans le cadre du séminaire de Claire Mouradian : "Le Caucase entre les empires".
Roger Lescot, Enquête sur les Yézidis de Syrie et du Djebel Sindjar, Beyrouth, Librairie du Liban,‎ 1975 (lien) ou encore (lien).

"Ma visite aux Yézidis du nord de l'Irak" (en septembre 2006), par Ephrem-Isa YOUSIF *, publié par l'auteur sur son blog "Sanat, village ; histoire et culture des chrétiens de Mésopotamie : Syriaques, Assyriens et Chaldéens". (lien). A servi de base pour l'article de Wikipedia.

* Originaire de Sanate, un village assyro-chaldéen du nord de l’Irak, il est l’auteur de plusieurs livres sur la Mésopotamie et sur la culture syriaque. Diplômé de l’université française où il obtint deux doctorats, en Philosophie et en Civilisations, il a enseigné la philosophie pendant des années à Toulouse. Aujourd’hui, il donne des cours et des conférences dans diverses régions. Il est directeur de deux collections, La libre parole et Peuples et cultures de l’Orient aux éditions l’Harmattan. Voir sa page sur Facebook (lien).

"A la rencontre du peuple Yézidi d’Irak", par le photographe Jonathan Pasqué en 2014 (lien).

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27 octobre 2014 1 27 /10 /octobre /2014 15:16

Les Yézidis possèdent deux livres sacrés : le Kitêba Cilwe, le Livre des Révélations, et le Mishefa Reş, le Livre noir. Le Kitêba Cilwe décrit "Tawsi Melek" (= Malek Taous) et sa relation spéciale avec les Yézidis, alors que le Mishefa Reş décrit la création de l'Univers, des sept grands Anges, des Yézidis et les lois que ceux-ci doivent suivre. Mais la transmission orale tient une grande place et peu de fidèles ont lu ou vu les deux livres saints ! C’est surtout l’affaire de la caste des Cheikhs …
En fait, il s’agit de livres postérieurs à l’islamisation de la région. « Au début du XIXe siècle, suite à la découverte des livres sacrés "Jêlva" et "Mesxefa resh" (Livre de révélations – Kniga otkrovenij et Les chroniques noires – Tchiornaja letopis), la communauté scientifique a découvert que le Yézidisme contenait des parties constitutives des "religions du livre". Ces livres suscitèrent un grand intérêt dans les cercles diplomatiques et militaires de l'époque. Qui a écrit ces livres, et quand ? D'après une des versions scientifiques, les livres sacrés auraient été écrits au XVIIe siècle (O. Viltchevskij) ; d'après les autres, ils datent du XIXe siècle (Shakir Fetakh) ; une autre hypothèse dit que le livre des révélations est écrit par le réformateur du Yézidisme Cheikh Adî ibn Mussafar Marvan aux XIe ou XIIe siècles (K. Kourdoev). » "Les Yézidis d'Arménie et de Géorgie" par Lucine Brutti-Japharova, op. cité (lien)

Le yézidisme semble avoir évolué par emprunt entre autres aux religions dominantes que furent le zoroastrisme, puis l’islam (notamment les enseignements de Cheikh Adi/Hadi, un savant soufi qui s'est installé dans la vallée de Lalesh au XII° siècle). Si bien que le kurdologue Merhad Izady propose de parler du « yazdanisme » pour la religion originelle afin de la différencier du yézidisme actuel. Dans cette optique, le yézidisme est une survivance de l'ancienne religion médique, qui au cours de son existence a absorbé des éléments exogènes, afin de s'adapter à un environnement hostile.

Avant l'apparition de l'islam, au VIIe siècle, les Kurdes étaient yézidis, zoroastriens, juifs ou chrétiens. Au fil du temps, beaucoup de Kurdes se convertirent à l'islam mais des chrétiens, des yézidis, des zoroastriens et des juifs demeurèrent au Kurdistan (la plupart des juifs partirent lors de la création de l'État d'Israël, entre 1947 et 1949). Les musulmans (chiites, sunnites, alévis, yârsânistes) sont de nos jours majoritaires au sein du peuple kurde (mais les Yézidis n'en demeurent pas moins l’une des composantes majeures du peuplement).

Le récit de la Création selon le Michefa Reş comporte de larges emprunts à celui de la tradition musulmane (lequel a véhiculé le récit de la Genèse). Ce récit commence par la création de 7 anges – ce qui lui prend les 7 jours de la semaine ! Le premier jour, un dimanche, Dieu a créé l'ange Azrail (et non pas Azazel * qui, pour certains meneurs musulmans obscurantistes, seraient un nom de Satan !), un nom qui, d’ailleurs, signifie « quelque chose de précieux ». Le lundi Dieu créa Dardail, le mardi Israil, le mercredi Machael, le jeudi Anzazil, le vendredi Chemnail, enfin le samedi Nourail. A noter que Dieu ne se repose pas le samedi comme IHVH le fit dans la Genèse ! Quant au dimanche, c'est bien le premier jour de la semaine dans la Bible (qui vient après le sabbat).
* Azazel (hébreu : עזאזל) est un terme énigmatique que l'on trouve dans le Tanakh (Lévitique 16, 21-22) ainsi que dans certains apocryphes (par exemple le Livre d’Enoch). C'est le nom d'un antique démon que les anciens Hébreux et Cananéens croyaient habiter le désert et qui, pour les Hébreux, joua le rôle de bouc-émissaire (lien).

Puis il façonna le monde comme une grosse perle blanche, pure et précieuse. Le monde resta ainsi pendant 40 000 ans, chiffre magique. Dieu brisa la perle dont les éclats formèrent la terre, le ciel, la mer. Il créa les animaux, les plantes. Puis il pétrit avec de l’argile le corps d’Adam, souffla sur lui, et lui donna une âme. Sur ce, les Yézidis proclament qu’ils descendent tous d’Adam.

yezidi_malek_taou.jpgL’archange Malek Taous donna le bon exemple : Dieu lui ayant donné le choix entre le Bien et le Mal, il choisit le bien ; les Yézidis pensent que le bien et le mal existent dans l’esprit et le cœur des hommes et qu'il dépend d’eux de faire le bon choix. Ils en seront d’ailleurs récompensés car la pureté spirituelle des « saints » leur permet de se réincarner périodiquement sous forme humaine ; les autres pouvant se réincarner sous formes d’animaux (croyance en la métempsycose bien ancrée dans l’hindouisme).

L'Ange Paon était présent dans le Jardin d'Éden, et lorsque Dieu créa Adam, il refusa de se prosterner devant celui-ci *, vouant un amour exclusif et obéissant à Dieu. Les Yézidis avancent en effet qu'avant la création d'Adam, Dieu avait informé les sept Grands Anges de ne jamais se prosterner devant une autre entité que Lui-Même. C’est d’ailleurs pour le récompenser que Dieu l'a proclamé chef des autres anges, l'a transformé en soleil et l'a élevé au ciel. On voit ici une réponse aux musulmans pour qui cette fierté du paon fut la cause de sa chute, à l'égal de celle de Satan, et établit une hostilité éternelle entre Dieu et l'ange Paon.
* D'après le Coran (II, 27 sq.), le Seigneur ordonna aux anges de se prosterner devant Adam : « Ils se prosternèrent à l'exception d'Iblis (= Satan) qui refusa et s'enorgueillit » (ce qui mena l’orgueilleux Iblis à sa perte !).

Somme toute, nous retrouvons tout cela dans la Bible (puis le Coran qui copie la Bible !), hormis la grosse perle blanche ! Ces livres sacrés font de Dieu l’acteur principal et ancrent le yézidisme dans un monothéisme classique (celui des religions dites du Livre), dédouanant ainsi les Yézidis de toute référence « païenne » !

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27 octobre 2014 1 27 /10 /octobre /2014 10:56

"Le yézidisme, entre paganisme et monothéisme", par Jean-Claude Barbier, communication au groupe « Religions » du Réseau d’échanges réciproques de savoirs (RERS) de Gradignan Malartic (Gironde, France), le 27 octobre 2014. Ce dossier a été signalé dans les Actualités unitariennes du 28 octobre dans sa rubrique "Halte aux génocides" (lien).

Notre présentation des Yézidis s’appuie principalement sur l’article les concernant dans l’encyclopédie « on line » Wikipédia (lien), mais aussi sur d’autres lectures citées (voir notre paragraphe sur les sources en fin d'article), mais nous avons restructuré cette documentation en essayant de partir du plus ancien (une antique religion iranienne) et en écartant d’abord toute trace d’influence de l’islam (très présent à partir du XIIème siècle avec le Cheikh soufi Adi/Hadi) et en sachant que leurs Ecritures saintes sont somme toute récentes.

leur ancienneté

Le yézidisme (la religion des Yézidis ou Yazidis - Êzidîtî ou Êzidî en kurde -) est une religion antérieure au zoroastrime (lequel s’est diffusé à partir de la Perse) et qui était celle des Mèdes. Il est considéré comme une survivance du mithraïsme iranien authentique (un culte solaire). En 2014, les Yézidis font remonter leur calendrier religieux à 6 764 années, soit 990 années de plus que le calendrier juif, 4 750 années de plus que celui des chrétiens et 5 329 années de plus que celui des musulmans.

Entre le IXe et le VIIIe siècle av. J.-C., des tribus iraniennes, les Mèdes, s'installent sur les terres du Kurdistan actuel y amenant leur religion. Selon le kurdologue Serbi Rechid, le zoroastrisme s'est répandu ensuite en Médie à partir du VIe siècle av. J.-C., mais n'est pas devenu dominant. Jusqu'au Ve siècle après J.-C., la majorité des Kurdes habitant Zagros, Cizir, Botan et Kirkouk pratiquaient le yézidisme.

Religion devenue résiduelle, confinée dans les montagnes du nord de l’Irak, de caractère ethnique (on naît Yézidi et il ne peut pas y avoir de conversion), de culture kurde (coutumes et fêtes), parlant le kurmandji (un dialecte kurde ; le kurde étant lui-même une langue de la famille iranienne) et s’habillant en conséquence - si les jeunes portent des vêtements à l’occidentale, les anciens ont gardé leur habit traditionnel, large pantalon kurde, longue chemise au col échancré, tunique et ceinture ; ils sont coiffés d’un haut bonnet de feutre marron entouré d’un turban ; les femmes vont de blanc vêtues, coiffées de turbans ou de fichus.

Ils étaient à Ninive ! précisément à la « Citadelle de Ninive », ou plus simplement al-Kalʿa, "Citadelle" en référence aux ruines qui s'y trouvent. Son nom actuel, turc et signifiant peut-être « Petit mouton », est celui d'un village qui y est attesté au début du XIXe siècle, peuplé par des paysans yézidis. Ils sont massacrés en 1836 au cours d'un des accès de violence religieuse qui agite alors la Haute Mésopotamie et leur village est détruit.

 

yezidis_temple_de_Lalesh.jpgLe principal lieu de culte des Yézidis est le temple de Lalesh, qui se trouve dans le Kurdistan irakien au nord de Mossoul (quelques 55 km par vol d’oiseau et 59,3 km par la route). Les enfants y sont amenés entre 6 mois et un an, aspergés d’eau de la source dite "blanche", sur le front, par un Cheikh ou un Pir (les Yézidis parlent alors de "baptême", mais sans qu'il y ait référence explicite à Jean-Baptiste ou à Jésus, lien).

un système de castes


Les Yézidis ont un système de castes dont les principales sont les Pirs (pir est un mot kurde qui veut dire « vieillard » ou « aîné »), les Cheikhs et les Murides. Le Mir, chef temporel et religieux, reconnu par les Yézidis comme étant leur représentant officiel, est choisi au sein d’une lignée dynastique (de la caste des Pirs ?). Mais le système a été revu et en quelque sorte cléricalisé par le Cheikh Adi * qui a fondé la caste des Cheikhs (cheikh est un mot arabe qui signifie « dirigeant », « aîné d'une tribu », ou alors « homme saint ») et l’a placée au dessus des autres sur le plan religieux ! Plus prestigieux que le Mir, il y a en conséquence le Baba Cheikh, véritable « pape » yézidi, et qui est leur chef spirituel. Les Faqirs, les Qewels et les Kocheks (qui sont des serviteurs religieux) servent le Baba Cheikh. Celui-ci est présent lors des rencontres religieuses importantes et lors des cérémonies, particulièrement celles qui se font à Lalesh. Une fois par an, il visite tous les villages pour donner ses bénédictions et célébrer des cérémonies religieuses. Pendant ces visites il résout également les éventuels conflits parmi les villageois. Les Pirs et les Cheikhs assistent aux mariages, aux circoncisions, aux obsèques, et jouent le rôle de conseillers familiaux. Il y a aujourd'hui 40 clans familiaux de la caste des Pirs, alors qu'avant le XIIe siècle il y en avait 90. La caste des Murides constitue la majorité des Yézidis. Cette caste n’a pas de fonction religieuse, cependant les Murides peuvent porter un titre de noblesse (Ara, Beg ou alors Makhul). Il existe aujourd'hui 99 grandes familles au sein de cette caste.
La tradition religieuse interdit aux Yézidis le mariage avec les personnes pratiquant une autre religion et entre les membres des différentes castes.  Il s'ensuit que c'est à la fois un peuple et une religion, comme pour les Juifs (d'où l'utilisation de la majuscule à Yézidis).
* le cheikh syrien Adi (Hadi en kurde) vécut très vieux entre les années 1070 et 1160. Cultivé, en relations avec l'élite intellectuelle de Bagdad – ville où il passa de longues années avant de s'installer dans le sud-est du Kurdistan – Adi jouit d'une vaste renommée comme ascète, mystique et thaumaturge. Les Yézidis s’y refèrent et son tombeau à Lalesh est pour eux un lieu de pélerinage.

une religion où la Nature est très présente

De nombreuses similitudes existent entre le yézidisme et le zoroastrisme . Mais, contrairement aux indications de nombreuses études publiées, le yézidisme n'est pas dérivé du zoroastrisme. Ces deux religions ont en effet des racines communes. Le yézidisme est une survivance de l'ancienne religion médique, religion dans laquelle Dieu (Xwede) était tout-puissant et avait un serviteur, Mithra, qui est, entre autres, une divinité solaire. Aujourd'hui on retrouve la même interdépendance entre Xwede et l'archange Taous, lui aussi une figure solaire. Le zoroastrisme, quant à lui, est une réforme du mithraïsme / mazdéisme (autre appellation de cette ancienne religion médo-iranienne).
On peut observer un important nombre de rites que les Yézidis et le zoroastriens ont en commun. Les Yézidis prient 5 fois par jour, comme les zoroastriens (et comme le feront ultérieurement les musulmans). On remarque également que la prière du matin (pendant laquelle ils se tournent en direction du soleil levant) ressemble à la prière zoroastrienne. Comme les zoroastriens, les Yézidis sont organisés en castes et ont des tabous liés aux 4 éléments que sont la terre, le feu, l'air et l'eau. Chaque automne, pour que l’année soit verte, pluvieuse et fructueuse, ils sacrifient un taureau - typique du culte de Mithra jadis pratiqué par les mazdéens. Les Yézidis et les zoroastriens partagent le même jour férié : le mercredi.
Les animaux sont représentés dans les vieilles religions iraniennes. Certains animaux, qui sont peints sur les icônes mithriaques, sont aussi représentés sur le temple de Lalesh avec les mêmes interprétations ; par exemple pour Mithra et le serpent (lequel symbolisait le cosmos dans le mithraïsme) - les Yézidis respectent particulièrement le serpent noir qui pour eux est un symbole de la sagesse (il est représenté à l'entrée du temple Lalesh).

D’une façon générale, les Yézidis aiment la nature, honorent les arbres et les rivières.

autres croyances et pratiques religieuses supposées anciennes

 

Leur religion leur prohibe certains mets, comme la laitue et les choux-fleurs, et leur déconseille de porter du bleu.  Les morts sont enterrés à proximité de leur village, dans des tombes coniques, immédiatement après leur décès. « Quelques lois étranges, signalées en certains endroits, ne doivent pas être considérées comme générales, mais expressions des traditions locales : interdiction de couper les arbres, de se vêtir de bleu, de manger des laitues et des choux-fleurs (!), d'élever des chiens, animaux impurs, que parfois ils prennent pourtant en affection. Je n'ai jamais rien lu ou entendu qui vise à justifier ces lois. » dans « Les Yézidis, adorateurs du diable », 2001, article de Jean-Paul Roux, directeur de recherche honoraire au CNRS, ancien professeur titulaire de la section d'art islamique à l'École du Louvre, publié dans « Clio » en 2014 ( lien).
La circoncision est répandue, mais elle n’est pas exigée (car sans doute empruntée à l'islam).

est-ce un monothéisme ?


Il y a bien un Dieu créateur du monde : Xwede. Mais avant de créer le monde, Dieu a créé les sept anges, les a chargé de s’occuper de ce monde et a désigné Malek Taous, lequel est symbolisé par un paon faisant la roue, comme leur chef. Il ne s’agit donc pas d’un dieu providentiel à qui on peut s’adresser dans nos malheurs et pour nos demandes. Manifestement la figure dominante, utile, est celle de Malek Taous. A noter qu’il n’y a pas dualisme car ce dernier est une créature de Dieu et va dans le même sens que lui ! C’est un archange, nullement déchu (comme le Satan/Lucifer des traditions chrétiennes que les musulmans reprirent à leur compte) et digne d’adoration (la figure théologique du Christ Roi, gérant la Création de Dieu, préexistant même à cette Création, reprend d’ailleurs ce même positionnement).
Le débat sur le nom de yézidi oscille entre les deux entités. Pour les uns, le nom de yazidi provient du proto-iranien yazatah qui signifie « ange » ou « l’être suprême » ; le mot yazatah donna le moyen-persan yazad et yazd, au pluriel yazdan qui aboutit en persan moderne à izad et en kurde à yezid et yezdan. Mais le nom yezidi peut tout aussi bien provenir de Xwede Ez da (Men da), signifiant « j'ai été créé par Dieu » en kurde moderne. Les lettres YZD en écriture cunéiforme, trouvées sur une tablette mésopotamienne, confirment l’existence ancienne de leur croyance.

 

un culte solaire


Malek Taous, l'archange symbolisé par le paon, signifie littéralement "ange solaire" (tav signifie soleil  en kurde et malek signifie ange dans les langues sémitiques). En ce sens on peut faire un parallèle avec l’ancienne divinité solaire iranienne Mithra/Shamash, qui lui-même n'était pas le Dieu suprême. Dans l'Iran ancien le nom métaphorique du soleil était Tavous-é Falak , ce qui veut dire le « paon céleste ». Dans la Grèce antique, le paon était le symbole du soleil. Dans la mythologie hindoue les plumes du paon étaient considérées comme une représentation du ciel et des étoiles.
Lorsque les Yezidis prient en direction du soleil, ils l'appellent « Shams », qui est un autre visage de l'Archange Taous. Shams est l'ange transporteur de lumière. On peut voir ici un rapprochement avec l'ange de lumière Lucifer. C'est à travers Shams que les Yezidis entrent en contact avec Dieu. Lors des prières, ils se tournent ainsi vers la « Lumière Divine ». Ils vénèrent également le feu car celui-ci est l'incarnation du soleil sur Terre. D'ailleurs, dans les maisons, un feu doit toujours être allumé. On observe exactement le même phénomène chez les zoroastriens.
Il s’agit donc bien d’un culte solaire (dans le yézidisme, le soleil est considéré comme une source de bonté, de lumière, de chaleur, et donc de vie), bien qu’aujourd’hui on puisse arguer (avec un accent panenthéiste) que – comme c’est Dieu qui a créé le soleil – c’est devant Lui, à travers Sa Création, que les fidèles se prosternent ! Non sans raison (mais avec l'intolérance du mépris en plus !) les musulmans les traitent d’adorateurs du soleil ...

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